D’autres chemins…
Avais-je mal lu ?
Quand j’ai découvert le passage consacré à la « vision aveugle » dans le dernier livre de Stanislas Dehaene (Le code de la conscience-Odile jacob-2014), j’ai d’abord cru avoir mal lu cet oxymore qu’il utilise pour décrire un phénomène qui concerne des personnes atteintes d’une lésion du cortex visuel.
La conséquence, en principe irrémédiable, est la perte des facultés visuelles.
Or, il est des cas où « ils voient sans voir« .
Ils se comportent comme des aveugles, mais sont capables d’indiquer avec une grande précision des points lumineux qu’on présente dans leur champ aveugle.
Il semble que, malgré la lésion qui physiquement interrompt les circuits neuronaux visuels, certaines informations traversent toujours le cortex, mais sans pouvoir mobiliser la conscience.
Des informations ainsi négligées, tout comme les « mots invisibles » dans d’autres expériences, continuent d’être traitées inconsciemment et atteignent des zones corticales très profondes.
Bien sûr, je n’ai pas la prétention de tout comprendre quand je me plonge dans de tels ouvrages, même de vulgarisation.
Mais, voyager dans ces univers scientifiques où la recherche avance à pas de géants est merveilleusement stimulant.
Dans ce cas, le lien avec l’activité photographique m’est apparu quelques temps après, à l’occasion de discussions avec des amis animés de la même passion.
Les parties cachées de nos prises de vues
Ainsi, quand il nous arrive de découvrir au cours de la phase de traitement des parties « cachées » de nos prises de vue, il pourrait s’agir dans certains cas d’une « vision aveugle »au déclenchement, de l’oeuvre de notre inconscient.
Nous « savons » où se situent des éléments qui provoquent en nous certaines résonances, mais, comme un refoulement, nous en distrayons notre attention, contrariant ainsi le chemin d’accès à notre conscience.
S.Dehaene et son équipe ont en effet réussi à déterminer les durées d’attention nécéssaire pour qu’une information parvienne jusqu’à la conscience.
Quand l’attention n’est pas assez soutenue (la mesure est réalisée en milli-secondes), le travail cérébral est bien effectué, mais reste inconscient.
On peut rapprocher ce processus de celui de la découverte scientifique, et du rôle qu’y joue le travail de l’inconscient pour aboutir à ce que Jacques Hadamard appelait « l’illumination »
(Essai sur la psychologie de l’invention dans le domaine des mathématiques-Princeton Universty Press-1945).
Jacques Hadamard, comme Henri Poincaré, tous deux immenses mathématiciens, insistaient sur l’importance des conceptions esthétiques des chercheurs.
Ils considéraient qu’elles sont à l’oeuvre dans les phases inconscientes de sommeil sont traités les travaux réalisés et accumulés le jour.
Pour eux, ce travail de l’inconscient est bien le déclencheur, « l’agent traitant », le déclencheur de « l’illumination » évoquée plus haut.
Bien sûr, nous ne réaliserons pas de découvertes mathématiques en continuant notre travail photographique.
Mais ces grands scientifiques qui furent aussi philosophes et psychologues, nous adressent un message, nous transmettent une sagesse.
Laisser libre court à notre inconscient
Ne pas chercher à tout maîtriser, tout contrôler, tout savoir sur nos choix, nos décisions.
Savoir entendre nos intuitions, les écouter, les accepter.
Laisser survenir le travail de notre inconscient.
Travailler sans relâche pour parvenir à les exprimer de la façon la plus au point, sans nous mentir, ni jamais renoncer.
C’est probablement dans cet achèvement de ce qui nous « appelle », de ce que nous ressentons comme irrépressible, que nous dénicherons la « perle rare »,
la photo qui restera indélébile au plus profond de nous…