L’Étonnement…
Certaines phrases interpellent
Surtout quand elles sont suivies de considérations comme :
« …toute peinture, dans son essence est rétrospective. De là sa relative insignifiance comme élément de civilisation actif... »
En l’occurrence, il s’agit de Julien Grack dans ce livre merveilleux, « En lisant, en écrivant « (Corti-1980) :
« La parole est l’éveil, appel au dépassement; la figure figement, fascination.
Le livre ouvre un lointain à la vie, que l’image envoûte et immobilise. »
Ainsi, le photographe ne serait-il qu’insignifiant, puisque travaillant lui aussi avec des images?
Mais plus, Rembrandt n’aurait-il joué qu’un rôle insignifiant comme élément de civilisation actif ?
Pour y voir plus clair reportons nous donc d’abord à quelques définitions.
Quelques définitions
Littré dans son dictionnaire qu’il termine en 1865 parle déjà de la photographie, il évoque Flaubert et cite Sainte-Beuve:
« Ils (les personnage de Mr.L.Veuillot)sont tous pris au daguerréotype, ou photographies comme on dit aujourd’hui, avec un relief puissant » (causeries du lundi).
Alain Rey, dans son dictionnaire historique, évoque un usage du terme au XIXème siècle :
« Mis en rapport ou non avec des textes imprimés, les images sont reproduites par la photographie. »
Photographie et image
L’association photographie-image-peinture apparaît.
Évidence ?
Pas de mon point de vue, en effet Littré définit l’image comme : « ce qui imite, ce qui ressemble. ressemblance(sens propre du latin « imago « .
Alain Rey précise : « emprunt au latin imaginem, accusatif de imago ‘image’, puis ‘représentation’, ‘portrait’, ‘fantôme’, et ‘apparence’ par opposition à la réalité ».
Petites investigations intéressantes.
Mais, elles ne suffisent pas vraiment pour disputer l’argumentaire de Julien Gracq.
Il voit dans les arts plastiques leur aspect mineur dans l’évolution de nos sociétés comparés au travail de l’écrivain.
Posons nous alors la question de signification du travail photographique comme élément de civilisation actif, puisque ce sont les termes de sa démonstration.
La dispute
L’enjeu, l’importance ou l’insignifiance de ce producteur d’images comme
« élément de civilisation actif » qu’est le photographe puisqu’il s’inscrit dans le cadre des arts plastiques.
Paradoxe, au début du XXème siècle, ce sont les tenants intégristes de la peinture, et même plus tard des modernes, qui rabaissent la photographie au rang d’artisanat.
Ils soutiennent n’y trouver que reproduction du réel, sans invention ni imagination, de vulgaires copies, de simples « aide-mémoire ».
Ils ne se doutaient pas que l’oeuvre picturale, la figure, serait bientôt l’objet du même genre de dénigrement qu’ils faisaient subir à la photographie.
Pourtant, dès le début de ce siècle, des avant-gardistes, comme man Ray avec « Le Violon d’Ingres« , proclament la force artistique de la photographie et ouvrent une voie aux collages et autres montages.
Depuis, le travail photographique, avec des oeuvres comme celles de Lewis Wickes Hine, Cartier-Bresson, Brassaï et tant d’autres, se montre ainsi comme véritable « élément de civilisation actif « .
Alors, une conclusion ?
Quand on lit ces parole de Walker Evans, on est vraiment, quoiqu’il dise par refus du figisme, dans la matière de l’art, d’une vision rimbaldienne, cet irrépressible besoin d’exprimer, de produire ses visions, qu’elles soient faites de mots, de sons ou d’images, et chez Rimbaud leur fusion par la transcendance poétique :
« Vous ne voulez pas que votre œuvre vienne de l’art ; vous voulez qu’elle prenne origine dans la vie ? C’est dans la rue qu’elle se trouve. Je ne me sens plus à l’aise dans les musées. Je n’ai pas envie de les visiter. Je ne veux pas qu’on m’apprenne quoi que ce soit. Je ne veux pas voir de l’art ‹ accompli ›. Je m’intéresse à ce que l’on appelle le vernaculaire. » Walker Evans, entretien avec Leslie Katz (1971).
Alors, la forme d’analyse si précieuse d’Alain Rey quand il définit le terme « imaginer », qu’il fait remonter à 1290, prend tout son sens :
« Former dans son esprit l’image d’un être, d’une chose. »
C’est bien le chemin de notre esprit au moment de la prise de vue.
À bientôt.
Bernard.