Révolutionnaire, Visionnaire…
Peindre n’est pas photographier, c’est exprimer ce que cette technique ne peut atteindre
C’est, schématisé, ce que je lus, entendis durant mon apprentissage d’adolescent, et plus tard encore.
C’est ce que j’allais répéter dans nos interminables discussions sur l’art, et pendant tant d’années, sans que ma passion de la photographie interfère avec cette proposition.
Le retournement ne vint pas de mes réflexion sur la photo, ni quand je feuilletais ces livres de photographes que j’aime tant.
Non, cela se produisit en visitant à Amsterdam l’exposition sur « Les dernières années de Rembrandt », en 2015.
Plus précisément, devant "La leçon d'anatomie",
Révélation de l’utilisation d’une profondeur de champs.
En acceptant le flou du premier plan, de ces pieds offrant leurs plantes devenues surdimensionnées,
Alors que le drapé amorce la mise au point, la précision se concentre sur le scalpel et la phase opératoire.
Rembrandt s’inscrit dans cette dimension que la photographie s’appropriera quelques siècles plus tard .
Il ne s’agissait pas d’une simple mise en évidence, mais pratiquement d’une maîtrise de la lumière, des distances et profondeurs de précision;
une véritable composition photographique par celui dont les recherches allaient parvenir à une des plus impressionnantes expression de la vie.
Ce n’est pas au photographe de se « mesurer » au pouvoir créatif du peintre
Cette évidence s’imposait, comme cela fut débattu des que la photographie fur découverte.
Non, c’était dans l’histoire de la peinture que nous pouvions trouver ce besoin de capter, d’interpréter nos choix de mise en scène, nos besoins de partager nos visions du monde, qui, de la réalité faisait nos vérités .
Rembrandt photographe?
Ce titre n’est pas une provocation, mais une prise de conscience qui m’a permis de comprendre que la photographie ne fut pas la rivale de la peinture comme on essaya de nous le faire croire si longtemps.
qu’elle était déjà en gestation dans les processus d’évolution de l’histoire de la peinture.
Après le développement de la perspective, de cet espace à dimensions déjà considérablement augmentées, des besoins de dépassement apparurent très vite.
La question de la nature , de la force de chaque élément, de la recherche de l’expression qui en ferait jaillir les matières, ne tarde pas; dès la renaissance; on voit poindre ces reliefs, bourgeonnant d’abord, puis s’élaborant dans une concrétisation maîtrisée.
Rembrandt est probablement un des premier à en saisir, à en utiliser la priorité dans l’expression de ses recherches; et certainement le plus grand de ceux qui rendirent cet appel indispensable, impératif.
Il donna à cette troisième dimension l’évidence d’un choc qui se répète chaque fois que nous y sommes confrontés.
Turner fut probablement l’étape suivante, fondamentale dans cette évolution.
Ainsi, les techniques dont on attribue souvent la paternité à la photographie, souvent pour la cantonner à cette dimension technologique, sont en réalité déjà jaillissantes dans l’histoire de la peinture, et cela dès la renaissance tardive.
Non, la photographie n’est pas qu’une « reproduction » du réel.
C’est une technique qui permet des formes d’expression qui perpétuent d’anciennes recherches, des prouesses, des chefs-d’oeuvre, et qui est soumise aux même questionnement que tous les arts.
La question de cette nécessité de créer, de la recherche inachevée d’une vérité que nous savons en nous, mais dont l’expression nous est comme l’eau, impossible à saisir…
À bientôt.
Bernard.